Par deux arrêts rendus en assemblée plénière le 20 janvier dernier, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence quant à l’indemnisation des victimes, en l’occurrence de maladies professionnelles liées à l’amiante, en cas de faute inexcusable de l’employeur.
Jusqu’à ces deux arrêts, la Cour de cassation estimait que la rente qui était versée aux victimes d’une maladie professionnelle ou d’un accident du travail par la caisse de Sécurité sociale en cas de faute inexcusable de l’employeur, indemnisait la perte de gain professionnel, l’incapacité professionnelle et le déficit fonctionnel permanent (c’est-à-dire le handicap dont allait souffrir la victime dans le déroulement de sa vie quotidienne) .
Pour obtenir de façon distincte la réparation des souffrances morales et physiques que la victime avait endurées, cette dernière devait rapporter la preuve que ce préjudice n’était pas indemnisé au titre de ce déficit fonctionnel permanent. Sans cette preuve, les juges estimaient qu’il n’y avait pas lieu d’adjoindre, en plus de la rente versée par la Sécurité sociale, le versement d’indemnités liées aux souffrances physiques et morales à la victime après la consolidation de son état (l’établissement de l’état définitif des séquelles de son accident du travail ou de sa maladie professionnelle).
En ce qui concerne les deux affaires examinées, les Cours d’appel saisies avaient rendu deux arrêts différents, après un premier renvoi de la Cour de cassation :
- La première Cour d’appel (Caen ; pourvoi 20-23.673) avait suivi la position de la Cour de cassation et avait considéré qu’il n’y avait pas lieu de rajouter le versement d’indemnités supplémentaires liées aux souffrances morales et physiques.
- La deuxième Cour d’appel (Nancy : pourvoi 21-23.947) avait estimé qu’en plus de la rente « classique » prévue par le code de la Sécurité sociale en cas de faute inexcusable de l’employeur, les souffrances physiques et morales de la victime de l’amiante constituaient un préjudice personnel qui devait être réparé en plus de façon spécifique. Elle n’avait donc pas suivi la jurisprudence traditionnelle de la Cour de cassation.
Compte tenu de ces divergences, la Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, devait prendre une décision définitive.
En d’autres termes, la question était de savoir si en cas de faute inexcusable de l’employeur, la victime pouvait prétendre à une indemnité complémentaire distincte de la rente prévue par le code de la Sécurité sociale.
La Cour de cassation y a répondu favorablement. Elle estime que la rente versée par la caisse de Sécurité sociale aux victimes d’accident du travail ou de maladie professionnelle et qui est établie par rapport au salaire de référence et à l’état définitif de leurs séquelles (consolidation) n’indemnise pas leur déficit fonctionnel permanent, c’est-à-dire les souffrances qu’elles éprouvent par la suite dans le déroulement de leur vie quotidienne. Et cette réparation peut être obtenue sans que les victimes ou leurs ayants droit n’aient à fournir la preuve que la rente prévue par le code de la Sécurité sociale ne couvre déjà ces souffrances.
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